Jay Alansky
Argetiques 1995 - 2002
Les images de Jay Alansky manifestent une dualité : des corps découpés, mal placés ou coincés dans le cadrage de la prise de vue, et aussi la relation entre le photographe et son sujet. Au lieu de mettre ses modèles en scène dans une situation confortable tout en évoquant leur sensualité, l’artiste nous les montre piégés ou endormis dans leur propre univers comme des étranges sculptures ou des natures mortes. Le photographe se laisse embarquer dans ses propres fantasmes par la lumière qui ne montre que des détails, par les reflets ou le flou et par l’espace quelquefois trop petit ou bien trop large. Ses modèles se plient et refusent l’intimité tout en gardant leur propre vie. Chaque photo témoigne d’une confrontation entre le photographe qui essaie de capter son sujet et le refus de celui-ci qui lui échappe en permanence. C’est par l’environnement, la lumière, ses couleurs et même les cadrages décalés que Jay Alansky nous fait découvrir une esthétique bien particulière, issue de son esprit maudit et déraciné par ses chemins somnambules dans les divers environnements urbains. Ces photos manifestent la souffrance de l’étrange distance qui nous sépare les uns des autres dans une vie où tout est éphémère. C’est cette tension de chaque instant de notre vie dont on essaye de conserver un souvenir. Cependant dans les photos de Jay Alansky s’opère toujours une transformation. Même s’il se donne tous les moyens de construction et d’arrangement de l’image, cette persistance du moment lui échappe. Même si cette rencontre avec les fantasmes qu’il essaie de capturer n’est jamais entièrement perdue, il n’en saisit qu’un éclair frustrant, le photographe se trouvant à nouveau face à sa propre solitude.